« Sœur Noha fait partie de ces personnes qui marquent des vies et qui ne seront pas oubliées ».
C’est ainsi que toute la Province religieuse de l’Orient, à travers sœur Pascale, et avec elle toute la famille des Sœurs de la Charité, a souhaité commencer l’hommage à sœur Noha, lors de ses obsèques. Hommage que nous rapportons ici dans son intégralité.
Hommage à soeur Noha
Certaines personnes marquent nos vies à jamais. Sœur Noha fait partie de celles que l’on n’oublie pas. Son parcours est intimement lié à l’histoire de notre Province d’Orient. Son départ pour le ciel laisse un immense vide dans nos cœurs.
Nous la pleurons, certes… mais je crois que, du ciel, elle nous invite à rendre grâce au Seigneur pour sa vie remplie d’espérance et de foi, de courage et de détermination pour l’annonce du Royaume sans crainte, à l’image des grands saints fondateurs comme Paul de Tarse, des saints philosophes et théologiens, comme Augustin, Jean Chrysostome, Thomas d’Aquin, des Saints Pères de l’Église et poète comme Éphrem… sans oublier les Saints mystiques comme Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, François d’Assise et tant d’autres encore.
Nous pouvons la comparer à notre Fondatrice Ste Jeanne Antide, femme intrépide qui fonce sans crainte des dangers, qui brave tous les obstacles pour la gloire de Dieu et la promotion des pauvres.
Qui de nous ne lui reconnait comme aptitude naturelle, la clarté de son discours, l’étendue de ses connaissances et la finesse de ses interventions en toute circonstance.
Née à Deir El-Kamar le 14-9-1934, Noha entre au noviciat ici, à Kfour, en 1964, elle prononce ses premiers vœux le 1-9-1966.
Le parcours de sa vie comprend deux étapes : de 1966 à 1973, sœur Noha, tout en étant étudiante universitaire (formation religieuse et philosophique) elle enseigne à Sainte Anne Beyrouth. En 1974, elle est envoyée à la Sorbonne à Paris où elle obtient brillamment son doctorat en philosophie et une maîtrise en islamologie.
À partir de 1975, les Supérieures l’ont désignée au service de l’autorité, d’abord comme Supérieure Régionale, puis comme Supérieure Provinciale, fonction qu’elle a exercée jusqu’en 2010.
Nous lui reconnaissons le don de former, diriger, fonder, encourager, risquer, croire en l’autre et le pousser à se dépasser.
Permettez-moi de développer trois points qui la qualifient à merveille.
Sœur Noha professeur inégalable
Que de générations de sœurs elle a formé ! elle nous a ouvert les yeux sur la richesse et la profondeur théologiques des Pères de l’Eglise, la beauté du courant mystique dans le Christianisme comme dans l’Islam. Elle nous a initié non seulement à une culture religieuse ouverte, mais à lire l’actualité selon des critères de bases solides dans la foi. Les journées et les sessions sont très nombreuses pour les dénombrer. Non seulement au niveau de la Province d’Orient qui compte six pays, mais de toute la Congrégation spécialement en Italie, France et Amérique. Elle a tenu des conférences sur l’Islam au niveau des Diocèses en Suisse et à Besançon. Elle a fait partie d’un groupe de réflexion et de recherche sur l’Islam à l’Université des Jésuites à Beyrouth. Avec grande difficulté, elle a accepté d’éditer certaines de ses conférences qui ont paru en trois volumes en 2014 avec le titre « GUETTE L’AURORE, toi l’assoiffé de Dieu » : un recueil de poèmes spirituels, sortis d’un terreau philosophique arrosé de la Parole de Dieu ; un échantillon de l’océan de réflexions et de recherches qu’elle a produit pour notre formation.
Sœur Noha femme intrépide
Les années de la guerre civile au Liban ont prouvé sa force d’âme pour braver le danger des obus, sauver nos maisons, mettre à l’abri nos sœurs, fermer une école et en ouvrir une autre dans des conditions très précaires. A travers son action, elle nous enseignait que « la vie est plus forte que la mort ». Rien ne l’arrêtait, elle nous entraînait vers l’objectif principal : vivre pour les autres en fixant notre regard sur le Christ et tenant la main de la Vierge Marie « Saït el Tallé » et ceci dans un temps de guerre où tout parle de morts, de mutilés, d’exils, de réfugiés, un temps où la peur prend le dessus et paralyse. Toujours, sœur Noha se révèle femme intrépide ! Que d’aventures rencontrées lors de ses déplacements pour encourager les sœurs, les soutenir dans l’espérance. Nous aimions l’écouter nous relater ses souvenirs de voyages sur des routes piégées par les groupes armés, ses rencontres et son franc-parler avec des Dirigeants pour sauver la maison de Baabda de l’occupation. Hélas, elle n’a jamais accepté d’écrire ses souvenirs douloureux.
Sœur Noha, une sœur de la Charité, visionnaire et dynamique
Nous reconnaissons à sœur Noha le don de voir plus loin, de saisir l’heure de Dieu pour ouvrir une mission ou fermer. Nous sommes témoins que tout au long de ses mandats, elle n’a pas hésiter à explorer de nouveaux champs de missions en réponse aux appels de l’Eglise, que ce soit au Liban, en Egypte… mais surtout au Soudan, en Inde, en Ethiopie. Pionnière, elle nous entraînait dans son enthousiasme pour le nouveau. Les difficultés s’effacent, nous disait-elle, lorsque que le cœur est à l’écoute de l’Esprit qui fait naître en nous l’amour du risque. Ses récits nous enthousiasmaient et nous préparaient à répondre avec courage aux nouveaux appels.
Merci sœur Noha d’avoir été la sœur, l’autorité qui nous a fait grandir dans le don total de nos vies à la suite du Christ.
Avant de conclure, j’ai puisé au trésor de tes écrits un message d’espérance. Je le cite :
« Si nous écoutons les cris de notre monde, nous pouvons entendre bien des souffrances. La maladie dont souffre notre société aujourd’hui, c’est la désespérance. Nous sommes devant des fatalités et, de ce fait, nous ne pouvons rien faire. Notre temps est un temps de désespérance !
Et voila qu’au milieu de cette désespérance qui ronge le cœur, le Seigneur frappe à notre porte et nous dit : « je suis la Résurrection et la vie » Tome II p. 56
Chère sœur Noha, toi qui contemples désormais le Christ ressuscité face à face, intercède pour nous, n’oublie pas tes sœurs qui en pleurant, rendent grâce à Dieu pour ta vie si belle, parce que généreusement offerte.
Sœur Pascale