Les religieuses africaines: comment mener à bien sa mission dans un contexte de pauvreté extrême ?
La viabilité financière a été pointée du doigt comme pierre d’achoppement à l’apostolat des religieuses africaines. Cette conclusion est le fruit d’une étude baptisée « La vie religieuse des femmes en Afrique centrale et orientale : un avenir durable », menée pendant trois ans (2016-2019) et impliquant près de 650 religieuses du Kenya, de l’Ouganda, de la Tanzanie, du Malawi et de la Zambie. Ladite recherche révèle que toutes les religieuses interrogées reconnaissent que les difficultés financières sont un défi majeur pour la vie religieuse en Afrique.
Partir et changer d’horizon pour des raisons financières
Le Centre d’études catholiques de l’Université de Durban et l’Institut de théologie Margaret Beaufort, basés au Royaume-Uni, qui ont conjointement mené cette étude, soulignent que, dans certains cas, les sœurs ont dû se retirer des ministères paroissiaux à cause de la pénurie des ressources financières nécessaires pouvant alimenter leurs apostolats. Selon les témoignages des religieuses interrogées, « lorsqu’une congrégation ne dispose pas de fonds suffisants pour couvrir ses besoins et ceux de son personnel, les apostolats doivent être arrêtés ou réduits ».
Subvenir à ses besoins au milieu d’une population pauvre
En outre, l’étude a démontré que la viabilité financière devient un casse-tête lorsque les religieuses vivent dans des communautés plus pauvres et doivent pourtant répondre aux besoins des fidèles qu’elles servent. Dans de telles circonstances, les religieuses africaines disent qu’il n’est pas facile de continuer à prendre soin d’elles-mêmes tout en demandant aux fidèles de continuer à prier le bon Dieu qui aime son peuple et qui pourvoira. Elles signalent également que les revenus reçus des donateurs ou des ONG ne sont toujours pas suffisants pour venir à bout des équations éreintantes qu’elles rencontrent sur le champ apostolique.
Le défi de l’autonomisation
Voilà pourquoi, dans leur travail avec les pauvres, de nombreuses religieuses considèrent l’autonomisation comme le plus grand cadeau qu’elles puissent offrir aux chrétiens. Pour relever ce défi, les chercheurs recommandent dans leur rapport une théologie de vie apostolique et religieuse qui envisage « des moyens de pousser plus loin l’autonomisation en remettant en question les aspects injustes du statu quo ou en plaidant pour une plus grande autosuffisance, un plus grand choix et une plus grande capacité d’action dans la société ».
La profondeur de la vie religieuse à approfondir
Le rapport du Centre d’études catholiques de l’Université de Durban et l’Institut de théologie Margaret Beaufort a aussi le mérite d’avoir révélé d’autres défis auxquels font face les religieuses africaines dans leur vie de chaque jour. Il s’agit, par exemple, de la crise d’identité provoquée par les cultures africaines et la confusion autour des concepts de charisme, d’apostolat et de spiritualité. En effet, les normes culturelles et locales liées au genre rendent la vie religieuse difficile à comprendre et à accepter pour de nombreux laïcs. En Afrique, le fait que des femmes adultes vivent en communauté, ne se marient pas, restent chastes et n’ont pas d’enfants est parfois considéré comme déviant dans le chef de certains chrétiens. Il faudrait, tout de même, signaler que plusieurs fidèles comprennent que les religieuses ne sont pas des mères au sens culturel du terme, mais elles s’inspirent plutôt de la maternité de la Vierge Marie qui a offert sa vie à Dieu.
Camille Mukoso, SJ (avec Acia Africa) – Vatican News