Bienheureuse Enrichetta Alfieri : profil spirituel
Soeur Enrichetta est une figure qui interpelle non seulement les Soeurs de la Charité mais chaque femme, chaque chrétien engagé dans la société et dans la politique. Elle a su être allier sa vie de femme et de religieuse d’une manière intelligente, capable de prendre des initiatives, assumant des responsabilités au plan spirituel comme au plan civil, capable de dialogue avec des personnes diffèrentes. Sœur Enrichetta est dotée d’une personnalité riche en qualités humaines et chrétiennes :
- Une intelligence vive et intuitive comme le démontre le parcours de ses études et la capacité dont elle s’acquitte avec créativité et compétence des tâches qui lui sont confiées par les supérieures, l’habileté avec laquelle elle sait programmer et mener à bonne fin les multiples pratiques administratives et légales relatives à sa fonction de direction de la section féminine de la Maison d’arrêt de Saint Victor ; la sensibilité, l’intuition et la profondeur de pensée qu’elle manifeste à travers sa correspondance et ses différents écrits, même s’ils sont occasionnels.
- Une volonté forte et tenace qui a soutenu sœur Enrichetta et lui a permis d’affronter avec courage et détermination les nombreuses difficultés de sa vie : la maladie, l’infirmité prolongée durant les années de sa jeunesse ; les presque trente ans de service difficile à la Maison d’arrêt, dont onze années comme responsable de la communauté et de la section féminine, la certitude de la dangereuse collaboration pendant les années 1943/1945 avec le Cardinal Schuster et avec les responsables de la résistance, l’arrestation, la détention, la résidence surveillée, le retour à la Maison d’arrêt après la Libération, avec la lourde tâche de la reconstruction de la prison, et finalement, la maladie qui la conduisit à la mort.
- Un sens des responsabilités, de l’autorité qu’elle exerce soit comme guide de sa communauté religieuse, soit comme directrice de la section féminine de la Maison d’arrêt ; sœur Enrichetta intervient souvent pour défendre et soutenir les activités de ses sœurs auprès du Directeur de Saint Victor ; elle présente des demandes à la direction de la prison et au Ministère de la Justice pour améliorer la vie des détenues et l’entretien des locaux de la section féminine : le local des enfants, l’infirmerie, la chapelle, les cellules, la nourriture… ; elle agit par son influence considérable afin que les rapports entre prêtres, avocats, médecins, gardiens, détenues, parents, soient marqués par le respect de la dignité de la personne et sa promotion humaine et spirituelle.
- Un accueil constant qui est attentif à tous sans distinction ; dans son cœur il y a la place pour : ses familiers, les sœurs de sa communauté et de la Congrégation, les détenues, ( depuis les prostituées jusqu’aux marginales parce que coupables de crimes les plus répréhensibles), les détenus politiques, les juifs, les partisans, les communistes, les fascistes… Pour cette raison, elle est unanimement appelée « Madre » et « Mamma de Saint Victor ».
- Une délicatesse d’âme et une douceur manifestée par l’habituel sourire qui illumine son visage et qui semble éclairer l’ambiance sombre de la Maison d’arrêt ; les nombreux articles de journaux parus au lendemain de sa mort et la décoration par « l’Etoile de la Bonté » du cadeau de la nuit de Noël attestent combien est appropriée l’appellation qui lui a été donnée : «Ange de la Bonté ».
- La foi lui a été transmise, au début de sa vie, dans sa famille, avec de simples mais solides racines chrétiennes ; en outre, parmi ses proches parents, il y avait trois prêtres et trois religieuses ont précédé Sœur Enrichetta en entrant dans la Congrégation des Sœurs de la Charité de Sainte Jeanne Antide Thouret.
- La prière et les sacrements, selon le témoignage de ses proches, ont accompagné toute sa vie.
Son choix de vie religieuse a été assumé après une longue réflexion puisque le père lui a imposé d’attendre quelques années avant de réaliser son projet qui consistait pour elle à « faire la Volonté de Dieu ».
Deux aspects uniques, mais fondamentaux, reviennent dans ses écrits : la Croix de laquelle vient le salut et l’Eucharistie, nourriture pour la vie de communion avec le Seigneur.
L’union avec Jésus Christ, l’imitation du Bon Maître, la dévotion à la Vierge Marie et la tension vers la sainteté sont des aspects importants de sa vie spirituelle. - L’espérance est cette conscience qu’elle a de l’action constante de Dieu dans sa vie. La vertu d’espérance est bien présente dans quelques attitudes assumées par sœur Enrichetta à des moments particuliers: la maladie, la détention, la mort de ses parents, les moments d’épreuves… Pour elle, l’espérance est la capacité de vivre tous les évènements en communion avec Dieu de sorte que même la douleur,puisse être transformée et trouver sens dans l’amour de Dieu et pour Dieu.
Son regard est fixé sur l’éternité et sur le don qu’elle en attend : cette espérance est communiquée aux détenues afin que puisse grandir en elles le désir de leur propre rédemption humaine et chrétienne. - La charité envers Dieu est manifestée en Sœur Enrichetta par l’attitude d’abandon « confiant et serein… total, amoureux… » liée à l’attitude d’immolation, qui se traduit par l’offrande quotidienne d’elle-même au Seigneur, dans l’action de grâces, même dans les moments difficiles.
La prière continue constitue l’horizon dans lequel sœur Enrichetta vit naturellement et enracine son intense vie apostolique. - La charité envers le prochain est l’élan qui a guidé toute la vie de sœur Enrichetta et qui se trouve résumé dans une simple mais dense expression, répétée plusieurs fois dans ses écrits : « la charité est un feu qui en brûlant aime à se répandre ; je souffrirai, je travaillerai et je prierai pour attirer des âmes à Jésus ».
Son amour pour Jésus devient sa passion pour attirer les âmes à Lui ; elle affirme alors que : « on ne peut pas être des âmes apostoliques si on n’est pas des saintes ».
de Sr Wandamaria Clerici et Sr Maria Guglielma Saibene