« Un mois avant de partir pour notre pèlerinage, je suis allée m’entrainer avec sœur Rose Marie aux Fontenelles.
Plusieurs fois, elle m’a dit de « marcher avec conscience » : il faut habiter notre marche, prendre conscience du mouvement de notre corps et sentir nos pieds sur le sol, tout cela sans oublier de regarder ce qui nous entoure et d’écouter les bruits de la nature.
J’ai compris que marcher avec conscience, c’est marcher en faisant attention à soi-même et à ce qui se passe autour de soi, vivre le moment présent en donnant une intention à notre marche. J’ai donc eu souvent cette intention : « Mon Seigneur et mon Dieu, aide-moi à pardonner même si les évènements vécus me semblent injustes !»
Faire ce chemin, vers Einsiedeln me mettait sur les pas de Jeanne Antide et dans mon imagination, j’ai beaucoup pensé à l’expérience du chemin qu’elle a fait, seule, sans connaitre la langue (pour moi, je ne comprenais rien à l’allemand !) j’ai fixé ma volonté et mon imagination sur elle. En marchant, je pensais qu’elle avait marché toute seule, dans l’obscurité de la foi, en réfléchissant à son avenir et en demandant l’aide de Dieu.
Oui, l’exemple de Jeanne Antide m’a donné une énergie pour
poursuivre le chemin jusqu’à Einsiedeln. Je suis arrivée à pied là où elle est arrivée à pied, elle aussi pour prier, réfléchir durant plusieurs jours, devant la Vierge noire afin d’y voir plus clair dans sa vocation.
Nous étions huit pour partir, le 15 septembre : un prêtre, trois dames, deux messieurs, sœur Rose Marie et moi-même. À 8h, nous prenons la photo devant la statue du Père Antoine Receveur qui, lui aussi, a marché plusieurs fois vers Einsiedeln. Nous partons en direction de la Chaux de Fonds. Après 7km de marche (environ 2h), nous nous arrêtons chez « Nobis » ( lieu caché pour les célébrations durant la Révolution française) Là, nous avons prié. Le premier jour se passe bien : 27 km et 880 m de dénivelé. Mes pieds supportent mais mon sac est un peu trop lourd…
Le deuxième jour fut le plus long en kilomètres et en dénivelés. A Enges, en Suisse, nous aurions bien voulu pouvoir entrer dans la chapelle mais elle était fermée. L’accueil chaleureux des sœurs à Cressier nous a bien réconfortés. Le lendemain matin, nous participions à l’Eucharistie à 7 h et après le petit déjeuner, nous nous mettions en route, en silence et dans les vignes. En traversant Le Landeron, j’ai pensé à Jeanne Antide qui était passée par là. Ensuite, nous avons longé le lac de Bienne qui était dans le brouillard !
Le 3ème jour, un peu moins de km et de dénivelé… Accueillis dans un B & B, nous avons pu nous reposer ! Il en fut de même pour le 4ème jour et le 5ème jour. A Sursee, l’hébergement était plus rudimentaire au camping ! Mais nous étions en pèlerinage !
J’ai été bien accueillie dans le groupe dont les membres ne se connaissaient pas ou très peu ! Le chemin a permis de faire connaissance. J’ai trouvé l’ambiance fraternelle et bienveillante. Le deuxième jour mes pieds ont fait l’expérience des ampoules et des talures.
Heureusement que les pansements ‘compeed’ existent. Sœur Rose Marie en avait un stock ! Les jours suivants, j’ai découvert que certains marcheurs devaient aussi soigner leurs pieds ! Je n’étais plus la seule…et mon sac était trop lourd.
Le 8ème jour de marche, après la dernière montée, nous avons aperçu l’abbaye. Ce rêve, impossible pour moi, se réalisait ! Quelle joie, il était 18h ! J’ai pris un temps de prière devant la Vierge noire. La Vierge, avec sa robe dorée, ses bijoux et son sourire, est très belle. Elle nous accueille et nous renvoie sa lumière ! Je l’ai beaucoup contemplée à genoux et en silence !
Cette expérience de marche durant 230 km en 8 jours fut pour moi un vrai pèlerinage. J’ai découvert que j’étais capable de marcher plus de 40 000 pas par jour avec un sac à dos d’environ 10 kg et de recommencer le lendemain !
Le silence m’a permis d’être attentive aux personnes qui m’accompagnaient et aux paysages très diversifiés, de remercier pour la vie qui est la mienne et aussi pour la chance de vivre cette expérience à laquelle je n’avais jamais pensé. J’ai admiré les belles églises catholiques ou réformées, bien entretenues dont la porte était ouverte et dans lesquelles nous nous sommes arrêtés pour prier.
J’ai aimé les grandes fermes de l’Oberland Bernois magnifiquement fleuries, les champs de céréales, les nombreux troupeaux de vaches et je n’oublierai jamais les arbres fruitiers surtout les pruniers et les pommiers… Nous en avons bien profité !
Je garderai un très bon souvenir de cette marche-pèlerinage et je souhaite que d’autres sœurs puissent faire la même expérience, les années prochaines.
Sœur Elisabet SUBIATI de Sancey